Comme quoi la démocratie dans un pays n'est jamais définitivement acquise... C'est encore un exemple des conséquences du cumul des pouvoir.
http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-33096861@7-37,0.html" La police pakistanaise réprime les manifestations
05.11.07 | 15h37
Par Augustine Anthony
ISLAMABAD (Reuters) - Les arrestations d'opposants se poursuivent sans relâche au Pakistan, où la police a chargé à coups de matraque et de gaz lacrymogène des avocats manifestant contre l'état d'urgence imposé par le président Pervez Musharraf.
En dépit des critiques de plus en plus vives des Etats-Unis, allié crucial du pays, les autorités ont interpellé des centaines d'opposants depuis samedi, jour de la proclamation de l'état d'urgence et de la suspension de la Constitution.
Le parti islamiste d'opposition Jamaat-e-Islami a déclaré que 600 à 700 de ses partisans avaient été interpellés pendant la nuit dans les provinces du Punjab (centre) et du Sindh (sud). Quatre à cinq cents opposants avaient déjà été arrêtés au cours du week-end, une mesure "préventive" selon les autorités.
Les avocats, en première ligne d'une campagne hostile à Musharraf depuis qu'il a tenté de révoquer le président de la Cour suprême en mars dernier, ont appelé à une grève nationale ce lundi contre l'application de l'état d'urgence.
A Karachi, la grande cité portuaire située dans le sud du pays, la police les a repoussés aux abords du siège de la Haute Cour et a procédé à de nombreuses interpellations.
"Nous n'avons pas peur. Nous poursuivrons notre combat, quoi qu'il arrive", a lancé un avocat, Abdul Hafeez, au moment d'être embarqué dans une voiture de police.
L'Association du barreau de Karachi a indiqué que son président, Iftikhar Javez Qazi, figurait parmi les personnes arrêtées.
"COMME PRÉVU"
La police a parallèlement bloqué à leur domicile des juges de la Cour suprême et de plusieurs Hautes Cours ayant refusé de prêter serment après l'imposition de l'état d'urgence, ont indiqué des sources proches des magistrats. Les médias sont également visés par des mesures de restriction.
Musharraf a justifié sa décision en invoquant des menaces à la stabilité du pays constituées par l'extrémisme et les interférences du pouvoir judiciaire.
Mais comme l'a souligné dimanche l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto, chef de file de l'opposition, la majeure partie de la population voit dans son geste la volonté d'empêcher la Cour suprême d'invalider sa réélection comme président le 6 octobre parce qu'il cumulait ses fonctions de chef de l'Etat et de chef des armées.
La Cour suprême, dont le président Iftikhar Chaudhry a été limogé et remplacé samedi par un fidèle du président, devait initialement se réunir ce lundi pour rendre son arrêt.
Le Premier ministre, Shaukat Aziz, a laissé entendre les élections législatives se tiendraient selon le calendrier prévu - vraisemblablement en janvier. "Notre sentiment à propos des élections est qu'elles devraient se tenir comme prévu", a-t-il dit lors d'une conférence de presse.
A Ramallah, où elle poursuit sa tournée au Proche-Orient, la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice a souhaité expressément que Musharraf abandonne ses fonctions de chef des armées, rétablisse la Constitution suspendue depuis samedi, et organise des élections comme prévu en janvier.
"INQUIÉTUDE"
Rice avait déjà exprimé sa déception face à l'évolution de la situation en des termes rarement entendus jusqu'ici de la part de responsables de l'administration Bush, qui s'appuie sur le Pakistan dans sa guerre décrétée contre le terrorisme.
"Les Etats-Unis n'ont jamais placé tous leurs pions sur Musharraf", a souligné Rice en prévenant que Washington réexaminait son aide économique au pays.
Washington a versé à Islamabad environ 10 milliards de dollars ces cinq dernières années.
Le Royaume-Uni a également dit "étudier les implications" de la situation sur les programmes britanniques d'aide au développement du Pakistan.
L'ambassade des Etats-Unis à Islamabad a réclamé dimanche soir la levée rapide des ordres d'interpellation et le rétablissement de la diffusion des chaînes privées.
Le Pentagone a aussi annoncé le report de discussions de coopération militaire avec le Pakistan. Les entretiens étaient programmés les 6 et 7 novembre à Islamabad.
Les Etats-Unis, comme d'autres puissances occidentales, réclament le maintien d'élections législatives en janvier, dont la tenue est désormais mise en doute.
A Genève, Louise Arbour, Haut-Commissaire de l'Onu pour les droits de l'homme, a fait part de son "inquiétude" à propos des mesures d'exception et demandée aux autorités pakistanaises de clarifier le statut des avocats et défenseurs des libertés fondamentales interpelés ou en résidence surveillée.
"Il ne faudrait recourir à l'état d'urgence qu'en cas de menace très grave à la sécurité de la nation, et non pour saper l'intégrité et l'indépendance du système judiciaire", a-t-elle dit."