Un détail, l'ADN et l'essentiel par François Bayrou ( 08/10/07 )http://www.lesechos.fr/info/analyses/4632186.htmLes tests ADN sont-ils vraiment un « détail », comme l'a dit samedi le Premier ministre ? Il se trouve que, dans les débats sur les droits de l'homme, c'est souvent dans les « détails » que surgit l'essentiel. C'est ainsi que le détail devient révélateur.
La preuve ? S'il s'était agi d'un simple « détail », non essentiel à la loi, on aurait évidemment pu s'en passer. Or le combat pied à pied mené par le gouvernement, pendant des jours, pour sauver le principe de cette disposition montre assez que, pour certains, elle n'était pas secondaire.
C'est bien le principe qu'il fallait sauver ! En effet, de l'usage pratique qui pourra être fait de ce texte, il ne reste pour ainsi dire rien : le test génétique ne peut être invoqué que pour un pays où l'état-civil est défaillant, en guerre civile ou en chaos administratif, quelques rares régions du monde d'où ne viennent chez nous que quelques centaines de personnes par an.
Encore, pour ces rares cas, l'analyse ADN passera-t-elle après le constat de la vie familiale (ce que le code appelle « possession d'état ») et c'est heureux. Il faudra enfin que ce contrôle, demandé par la mère seule (que fera-t-on pour les pères veufs ?), soit ordonné par le juge du tribunal de Nantes (sic) au terme d'un long cheminement qui prescrira une analyse remboursée par l'État (resic)... Autrement dit, pour qui s'attacherait à la lettre du texte, on devrait conclure qu'une telle insistance ne se justifiait pas.
C'est donc que l'important pour les auteurs du texte n'était pas dans la lettre, mais dans l'esprit.
Car ce texte en réalité dit trois choses, qui toutes les trois doivent susciter l'opposition des humanistes et des républicains.
Le texte dit, entre les lignes, que les immigrés sont des fraudeurs. Il faut rappeler (on l'oublie souvent) qu'il s'agit ici de la venue en France de familles et d'enfants d'immigrés en situation régulière sur notre territoire ! On donne donc à entendre que ces immigrés qui ont des papiers, qui travaillent, se chargent volontiers de femmes et d'enfants qui ne sont pas les leurs avec la seule vocation de gruger l'État français.
Le texte dit ensuite, sur le fond, que la filiation, pour ces gens-là, ne peut être prise en compte que si elle est biologique. Et que toutes les formes de filiation qui nous adviennent à nous tous les jours, familles recomposées, adoptions de droit ou de fait, ne sont pas un droit de l'homme, mais un droit de l'homme développé. Chez nous, on comprend que la filiation est affective, chez eux, il convient qu'elle soit biologique.
Le texte dit enfin que pour la régulation sociale, l'analyse génétique sera désormais un recours légal, une pratique régulière et admise, au lieu d'être cantonnée et tenue en lisière. Ces trois affirmations ne sont pas du « détail ». Il est de l'honneur de notre pays et de son Conseil constitutionnel de dire que ce texte n'est pas conforme aux valeurs républicaines, philosophiques et spirituelles de la France.
FRANÇOIS BAYROU (Pyrénées-Atlantique, Modem)